— Ici, Madame, vous redevenez Majesté, dit la duchesse de Nevers : permettez-moi donc de vous faire les honneurs de l’hôtel de Guise, comme ils doivent être faits à la reine de Navarre.
Et la duchesse, descendant de sa litière, mit presque un genou en terre pour aider Marguerite à descendre à son tour ; puis lui montrant de la main la porte de l’hôtel gardée par deux sentinelles, arquebuse à la main, elle suivit à quelques pas la reine, qui marcha majestueusement précédant la duchesse, qui garda son humble attitude tant qu’elle put être vue. Arrivée à sa chambre, la duchesse ferma sa porte ; et appelant sa camériste, Sicilienne des plus alertes :
— Mica, lui dit-elle en italien, comment va M. le comte ?
— Mais de mieux en mieux, répondit celle-ci.
— Et que fait-il ?
— En ce moment, je crois, Madame, qu’il prend quelque chose.
— Bien ! dit Marguerite, si l’appétit revient, c’est bon signe.
— Ah ! c’est vrai ! j’oubliais que tu es une élève d’Ambroise Paré. Allez, Mica.
— Tu la renvoies ?
— Oui, pour qu’elle veille sur nous.
Mica sortit.
— Maintenant, dit la duchesse, veux-tu entrer chez lui, veux-tu que je le fasse venir ?
— Ni l’un, ni l’autre ; je voudrais le voir sans être vue.
— Que t’importe, puisque tu as ton masque ?
— Il peut me reconnaître à mes cheveux, à mes mains, à un bijou.
— Oh ! comme elle est prudente depuis qu’elle est mariée, ma belle reine !
Marguerite sourit.
— Eh bien ! mais, je ne vois qu’un moyen, continua la duchesse.
— Lequel ?
— C’est de le regarder par le trou de la serrure.
— Soit ! conduis-moi.
La duchesse prit Marguerite par la main, la conduisit à une porte sur laquelle retombait une tapisserie, s’inclina sur un genou et approcha son œil de l’ouverture que laissait la clef absente.