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LA REINE MARGOT.

étonnement que produisit sur le visage des gentilshommes cette intimité qui venait de se révéler entre le roi et la reine de Navarre, lorsqu’un huissier entra suivi de trois ou quatre gentilshommes, et annonçant le duc d’Alençon.

Pour le faire venir, Gillonne avait eu besoin de lui apprendre seulement que le roi avait passé la nuit chez sa femme.

François entra si rapidement qu’il faillit, en les écartant, renverser ceux qui le précédaient. Son premier coup d’œil fut pour Henri. Marguerite n’eut que le second.

Henri lui répondit par un salut courtois. Marguerite composa son visage, qui exprima la plus parfaite sérénité.

D’un autre regard vague, mais scrutateur, le duc embrassa alors toute la chambre ; il vit le lit aux tapisseries dérangées, le double oreiller affaissé au chevet, le chapeau du roi jeté sur une chaise.

Il pâlit ; mais se remettant sur-le-champ :

— Mon frère Henri, dit-il, venez-vous jouer ce matin à la paume avec le roi ?

— Le roi me fait-il cet honneur de m’avoir choisi, demanda Henri, ou n’est-ce qu’une attention de votre part, mon beau-frère ?

— Mais non, le roi n’a point parlé de cela, dit le duc un peu embarrassé ; mais n’êtes-vous point de sa partie ordinaire ?

Henri sourit ; car il s’était passé tant et de si graves choses depuis la dernière partie qu’il avait faite avec le roi, qu’il n’y aurait rien eu d’étonnant à ce que Charles IX eût changé ses joueurs habituels.

— J’y vais, mon frère ! dit Henri en souriant.

— Venez, reprit le duc.

— Vous vous en allez ? demanda Marguerite.

— Oui, ma sœur.

— Vous êtes donc pressé ?

— Très-pressé.

— Si cependant je réclamais de vous quelques minutes ?

Une pareille demande était si rare dans la bouche de Marguerite, que son frère la regarda en rougissant et en pâlissant tour à tour.

— Que va-t-elle lui dire ? pensa Henri non moins étonné que le duc d’Alençon.