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LA REINE MARGOT.

Coconnas se mordit les lèvres ; mais, décidé, à ce qu’il paraît, à continuer la conversation sur le ton de l’ironie, il continua :

— C’est curieux, n’est-ce pas, monsieur de La Mole, surtout pour un huguenot, de pouvoir regarder monsieur l’amiral pendu à ce crochet de fer ; et dire cependant qu’il y a des gens assez exagérés pour nous accuser d’avoir tué jusqu’aux huguenotins à la mamelle !

— Comte, dit La Mole en s’inclinant, je ne suis plus huguenot, j’ai le bonheur d’être catholique.

— Bah ! s’écria Coconnas en éclatant de rire, vous êtes converti, Monsieur ! oh ! que c’est adroit !

— Monsieur, continua La Mole avec le même sérieux et la même politesse, j’avais fait vœu de me convertir si j’échappais au massacre.

— Comte, reprit le Piémontais, c’est un vœu très-prudent, et je vous en félicite ; n’en auriez-vous point fait d’autres encore ?

— Oui, bien, Monsieur, j’en ai fait un second, répondit La Mole en caressant sa monture avec une tranquillité parfaite.

— Lequel ? demanda Coconnas.

— Celui de vous accrocher là-haut, voyez-vous, à ce petit clou qui semble vous attendre au-dessous de monsieur de Coligny.

— Comment ! dit Coconnas, comme je suis là, tout grouillant ?

— Non, Monsieur, après vous avoir passé mon épée au travers du corps.

Coconnas devint pourpre, ses yeux verts lancèrent des flammes.

— Voyez-vous, dit-il en goguenardant, à ce clou !

— Oui, reprit La Mole, à ce clou…

— Vous n’êtes pas assez grand pour cela, mon petit Monsieur ! dit Coconnas.

— Alors, je monterai sur votre cheval, mon grand tueur de gens ! répondit La Mole. Ah ! vous croyez, mon cher monsieur Annibal de Coconnas, qu’on peut impunément assassiner les gens sous le loyal et honorable prétexte qu’on est cent contre un ; nenni ! Un jour vient où l’homme retrouve son homme, et je crois que ce jour est venu aujourd’hui.