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LA REINE MARGOT.

Alors, regardant la lune qui se dégage à grand-peine d’un nuage noir qui semble peser sur la pointe du clocher de Notre-Dame :

— Neuf heures, dit-il. Si elle vient, elle viendra comme d’habitude, dans une heure ou une heure et demie ; il y aura donc temps pour tout.

En ce moment on entendit quelque bruit sur le pont. René appliqua son oreille à l’orifice d’un long tuyau dont l’autre extrémité allait s’ouvrir sur la rue, sous la forme d’une tête de Guivre.

— Non, dit-il, ce n’est ni elle, ni elles. Ce sont des pas d’hommes ; ils s’arrêtent devant ma porte ; ils viennent ici.

En même temps trois coups secs retentirent.

René descendit rapidement ; cependant il se contenta d’appuyer son oreille contre la porte sans ouvrir encore.

Les mêmes trois coups secs se renouvelèrent.

— Qui va là ? demanda maître René.

— Est-il bien nécessaire de dire nos noms ? demanda une voix.

— C’est indispensable, répond René.

— En ce cas, je me nomme le comte Annibal de Coconnas, dit la même voix qui avait déjà parlé.

— Et moi, le comte Lerac de La Mole, dit une autre voix qui, pour la première fois, se faisait entendre.

— Attendez, attendez, Messieurs, je suis à vous.

Et en même temps René, tirant les verrous, enlevant les barres, ouvrit aux deux jeunes gens la porte, qu’il se contenta de fermer à la clef ; puis, les conduisant par l’escalier extérieur, il les introduisit dans le second compartiment.

La Mole, en entrant, fit le signe de la croix sous son manteau ; il était pâle, et sa main tremblait sans qu’il pût réprimer cette faiblesse.

Coconnas regarda chaque chose l’une après l’autre, et trouvant au milieu de son examen la porte de la cellule, il voulut l’ouvrir.

— Permettez, mon gentilhomme, dit René de sa voix grave et en posant sa main sur celle de Coconnas, les visiteurs qui me font l’honneur d’entrer ici n’ont la jouissance que de cette partie de la chambre.

— Ah ! c’est différent, reprit Coconnas ; et, d’ailleurs, je sens que j’ai besoin de m’asseoir.