Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/111

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de bien-être ; il me sembla que je respirais, qu’on me pressait, puis qu’on me retournait. Quand j’ouvris les yeux, nous étions à la pointe du cap Blanc, que vous voyez là-bas ; j’étais pendu par les pieds et je crachais l’eau de mer gros comme le bras. Nunzio était près de moi, qui me frottait la poitrine et les reins.

— Et les autres ?

— Il y en avait quatre de sauvés, et moi et Nunzio ça faisait six.

— Et le capitaine ?

— Le capitaine, il ne s’était pas noyé, lui ; mais des efforts qu’il avait faits en mettant le pied dans la barque sa blessure s’était rouverte. Elle ne voulut jamais se refermer ; pendant trois jours il perdit tout le sang de son corps, et le troisième jour il mourut : preuve que Giulia était une sorcière.

— Et Vicenzo, que vous aviez laissé sur le bâtiment avec une jambe cassée ?

— C’est le même que voilà là, et qui cause avec votre camarade et le cuisinier ; mais c’est égal, vous comprenez maintenant pourquoi nous ne nous soucions plus d’aller au cap Blanc.

En effet, je comprenais.

En ce moment le capitaine s’approcha de nous, et voyant à notre silence que nous avions fini :

— Excellence, me dit-il, je crois que votre intention est de toucher terre seulement à Messine et de retourner immédiatement à Naples par la Calabre.

— Oui. Y aurait-il quelque empêchement ?

— Au contraire, je venais proposer à Votre Excellence de descendre directement à San Giovanni pour ne pas payer deux patentes pour le speronare ; nous traverserons le détroit dans la chaloupe.

— À merveille.

— À San Giovanni, vieux, dit le capitaine en se tournant vers le pilote.

Nunzio fit un signe de tête, imprima un léger mouvement au gouvernail, et le petit bâtiment, docile comme un cheval de manège, tourna sa proue du côte de la Calabre.