Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/118

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tour : on sut cela, et on les arrêta tous les six comme complices du meurtre du comte. Giuseppe, qui ne voulait pas que ses frères payassent pour lui, écrivit qu’il était prêt à se livrer si l’on voulait relâcher ses frères On le lui promit, il se livra, fut pendu, et ses frères envoyés aux galères. Ce n’était pas là précisément l’engagement que l’on avait pris avec Giuseppe ; mais s’il fallait que les gouvernemens tinssent leurs engagemens avec tout le monde, on comprend que ce la les mènerait trop loin.

La pauvre mère resta donc au village de Bauso avec le petit Pascal Bruno, alors âgé de cinq ans ; mais comme, selon l’habitude, et pour guérir par l’exemple, on avait exposé la tête de Giuseppe dans une cage de fer, et que ce spectacle lui était trop pénible, un jour elle prit son enfant par la main et disparut dans la montagne. Quinze ans se passè rent sans qu’on entendit reparler ni de l’un ni de l’autre.

Au bout de ce temps, Pascal reparut. C’était un beau jeune homme de vingt et un à vingt-deux ans, au visage sombre, à l’accent rude, à la main prompte, et dont la vie sauvage avait singulièrement accru la force et l’adresse naturelles. À part cet air de tristesse répandu sur ses traits, il paraissait avoir complètement oublié la cause qui lui avait fait quitter Bauso : seulement, quand il passait devant la cage où était exposée la tête de son père, il courbait le front pour ne pas la voir, et devenait plus pâle encore que d’habitude. Au reste, il ne recherchait aucune société, ne parlait jamais le premier à personne, se contentait de répondre si on lui adressait la parole, et vivait seul dans la maison qu’avait habitée sa mère et qui était restée fermée quinze ans.

Personne n’avait rien compris à son retour, et l’on se demandait ce qu’il revenait faire dans un pays dont tant de souvenirs douloureux devaient l’éloigner, lorsque le bruit commença de se répandre qu’il était amoureux d’une jeune fille nommée Térésa, qui était la sœur de lait de la jeune comtesse Gemma, fille du comte de Castel-Novo. Ce qui avait donné quelque créance à ce bruit, c’est qu’un jeune homme du village, revenant une nuit de faire une visite à sa maîtresse, l’avait vu descendre par-dessus le mur du jardin attenant à la maison qu’habitait Térésa. On compara