Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/143

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le maître de l’auberge vis-à-vis des voyageurs, pour que j’hésitasse un instant à me laisser prendre à cet appât. J’aurais dû cependant songer qu’il y a pélican et pélican, comme il y a fagot et fagot, et qu’un pélican rouge n’est pas un pélican blanc ; mais la prudence du serpent, qu’on m’avait tant recommandée à l’égard des Calabrais, m’abandonna pour cette fois, et j’entrai dans la souricière.

l’y fus merveilleusement reçu par l’hôte, qui, après m’avoir demandé des ordres pour le déjeuner et m’avoir répondu par l’éternel subito italien, me fit monter dans une chambre où l’on s’empressa effectivement de mettre mon couvert. Une demi-heure après, l’hôte entra lui-même, un plat de côtelettes à la main, et lorsqu’il m’eut vu attablé et piquant en affamé sur la préface de la collation, il me demanda, toujours du même ton mielleux, si je n’avais pas un passe-port. Ne comprenant pas l’importance de la question, je lui répondis négligemment que non, que je ne voyageais pas pour le moment, mais me promenais purement et simplement ; qu’en conséquence, j’avais laissé mon passe port à San-Giovanni, où j’avais momentanément élu mon domicile. Mon hôte me répondit par un benone des plus tranquillisans, et je continuai d’expédier mon déjeuner, qu’il continua, de son côté, de me servir avec une politesse croissante.

Au dessert, il sortit pour m’aller chercher lui-même, me dit-il, les plus beaux fruits de son jardin. Je fis signe de la tête que je l’attendais avec la patience d’un homme qui a convenablement mangé, et, allumant ma cigarette, je me lançai, tout en suivant de l’œil les capricieuses décompositions de la fumée, dans ces rêves sereins et fantasques qui accompagnent d’ordinaire les digestions faciles.

J’étais au beau milieu de mon Eldorado, lorsque j’entendis trois ou quatre sabres qui retentissaient sur les marches de l’escalier. Je n’y fis point d’abord attention, mais, comme ces sabres s’approchaient de plus en plus de ma chambre, je finis cependant par me retourner. Au moment où je me retournais, ma porte s’ouvrit, et quatre gendarmes entrèrent : c’était le dessert que mon hôte m’avait promis.

Je dois rendre justice aux milices urbaines de S. M. le roi Ferdinand, ce fut en portant la main à leur chapeau à trois