Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/192

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Tavella, je suis Joachim Murat, dit le roi. À toi l’honneur de crier le premier Vive Joachim !

La petite troupe de Murat cria à l’instant Vive Joachim ! mais le Calabrais resta immobile et silencieux, et pas un des assistans ne répondit par un seul cri aux acclamations dont leur ancien roi avait donné lui-même le signal ; bien au contraire, une rumeur sourde commençait à courir dans la foule. Mural comprit ce frémissement d’orage, et s’adressant de nouveau au sergent :

— Tavella, lui dit-il, va me chercher un cheval, et, de sergent que tu étais, je te fais capitaine.

Mais Tavella s’éloigna sans répondre, s’enfonça dans une des rues tortueuses qui aboutissent à la place, rentra chez lui et s’y renferma.

Pendant ce temps, Murat était demeuré sur la place, où la foule devenait de plus en plus épaisse. Alors le général FranceschetTi, voyant qu’aucun signe amical n’accueillait le roi, et que tout au contraire les figures sévères des assistans s’assombrissaient de minute en minute, s’approcha du roi :

— Sire, lui dit-il, que faut-il faire ?

— Crois-tu que cet homme m’amènera un cheval ?

— Je ne le crois point, dit Franceschetti.

— Alors, allons à pied à Monteleone.

— Sire, il serait plus prudent peut-être de retourner à bord.— Il est trop tard, dit Murat ; les dés sont jetés, que ma destinée s’accomplisse à Monteleone. À Monteleone !

— À Monteleone ! répéta toute la troupe ; et elle suivit le roi qui, lui montrant le chemin, marchait à sa tête.

Le roi prit, pour aller a Monteleone, la route que nous venions de suivre nous-mêmes pour venir de cette ville au Pizzo ; mais déjà, et dans cette circonstance suprême, il y avait trop de temps perdu. En même temps que Tavella, trois ou quatre hommes s’étaient esquivés, non pas pour s’enfermer chez eux comme l’ex-sergent de la garde napolitaine, mais pour prendre leurs fusils et leurs gibernes, ces éternels compagnons du Calabrais. L’un de ces hommes, nommé Georges Pellegrino, à peine armé, avait couru chez un capitaine de gendarmerie nommé Trenta Capelli, dont les soldats