Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/195

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colonne qui s’était mise à la poursuite des fugitifs. Il n’y avait pas de temps à perdre, une seule chance de salut restait, c’était de pousser à la mer une barque qui s’en trouvait à vingt pas, et de faire force de rames vers la flottille, qui, alors, reviendrait sans doute au secours du roi. Murat et ses compagnons se mirent donc à pousser la barque avec l’énergie du désespoir. La barque glissa sur le sable et atteignit l’eau : en ce moment, une décharge partit, et Campana tomba mort. Trenta Capelli, Pellegrino et toute leur suite n’étaient plus qu’à cinquante pas de la barque, Franceschetti sauta dedans, et de l’impulsion qu’il lui donna l’éloigna de deux ou trois pas du rivage. Murat voulut sauter à son tour, mais, par une de ces petites fatalités qui brisent les hautes fortunes, les éperons de ses bottes à l’écuyère restèrent accrochés dans un filet qui était étendu sur la plage. Arrêté dans son élan, Murat ne put atteindre la barque, et tomba le visage dans l’eau. Au même instant, et avant qu’il eût pu se relever, toute la population était sur lui : en une seconde ses épaulettes furent arrachées, son habit en lambeaux et sa figure en sang. La curée royale se fût faite à l’instant même, et chacun en eût emporté son morceau à belles dents, si Trenta Capelli et Georges Pellegrino ne fussent parvenus à le couvrir de leurs corps. On remonta en tumulte l’escalier qui conduisait à la ville. En passant au pied de la statue de Ferdinand, les vociférations redoublèrent. Trenta Capelli et Pellegrino virent que Murat serait massacré s’ils ne le tiraient pas au plus vite des mains de cette populace ; ils l’entraînèrent vers le château, y entrèrent avec lui, se firent ouvrir la porte de la première prison venue, le poussèrent dedans, et la refermèrent sur lui. Murat alla rouler tout étourdi sur le parquet, se releva, regarda autour de lui ; il était au milieu d’une vingtaine d’hommes prisonniers comme lui, mais prisonniers pour vols et pour assassinats. L’ex-grand-duc de Berg, l’ex-roi de Naples, le beau-frère de Napoléon, était dans le cachot des condamnés correctionnels.

Un instant après, le gouverneur du château entra ; il se nommait Mattei, et comme il était en uniforme Murat le reconnut pour ce qu’il était.

— Commandant, s’écria alors Murat en se levant du banc