Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/204

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rappelez-vous que la plus grande douleur que j’éprouve dans mon supplice est celle de mourir loin de mes enfans, loin de ma femme, et de n’avoir aucun ami pour me fermer les yeux.

» Adieu, ma Caroline, adieu mes enfans ; recevez ma bénédiction paternelle, mes tendres larmes et mes derniers baisers.

» Adieu, adieu, n’oubliez point votre malheureux père !

» Pizzo, ce 15 octobre 1815.

» JOACHIM MURAT. »

Comme il achevait cette lettre, la porie s’ouvrit : Murat se retourna et reconnut le général Nunziante.

— Général, lui dit Murat, seriez-vous assez bon pour me procurer une paire de ciseaux ? Si je la demandais moi-même, peut-être me la refuserait-on.

Le général sortit, et rentra quelques secondes après avec l’instrument demandé. Murat le remercia d’un signe de tête, lui prit les ciseaux des mains, coupa une boucle de ses cheveux, puis la mettant dans la lettre et présentant cette lettre au général :

— Général, lui dit-il, me donnez-vous votre parole que cette lettre sera remise à ma Caroline ?

— Sur mes épaulettes, je vous le jure ! répondit le général.

Et il se détourna pour cacher son émotion.

— Eh bien ! eh bien ! général, dit Murat en lui frappant sur l’épaule, qu’est-ce donc que cela ? que diable ! nous sommes soldats tous les deux ; nous avons vu la mort en face. Eh bien ! je vais la revoir, voilà tout, et cette fois elle viendra à mon commandement, ce qu’elle ne fait pas toujours, car j’espère qu’on me laissera commander le feu, n’est-ce pas ?

Le général fit signe de la tête que oui.

— Maintenant, général, continua Murat, quelle est l’heure fixée pour mon exécution ?

— Donnez la vous-même, répondit le général.

— C’est vouloir que je ne vous fasse pas attendre.

— J’espère que vous ne croyez pas que c’est ce motif.