Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/214

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était la tempête anniversaire. Je lui demandai l’explication de cette espèce d’énigme atmosphérique.

— Informez-vous, me dit-il, au dernier paysan des environs, et il vous répondra avec une conviction parfaite : C’est l’esprit de Murat qui visite le Pizzo.

— Et vous, que me répondrez-vous ? lui demandai-je en souriant.

— Moi, je vous répondrai que depuis vingt ans cette tempête n’a pas manqué une seule fois de revenir à jour et à heure fixes, affirmation de laquelle, en votre qualité de Français et de philosophe, vous tirerez la conclusion que vous voudrez.

Sur quoi le chevalier Alcala se retira, de peur sans doute d’être pressé de nouvelles questions.

Toute la journée se passa sans que nous aperçussions apparence de speronare ; nous restâmes sur la terrasse du château jusqu’au dernier rayon de jour, les yeux fixés sur Tropea, et atteints de quelques légères inquiétudes. Comptant sur le vent, nous étions partis, comme nous l’avons dit, avec quelques louis seulement, et si le temps contraire continuait nous devions bientôt arriver a la fin de notre trésor. Pour comble de malheur, lorsque nous rentrâmes à l’hôtel, notre muletier nous signifia que nous n’eussions point à compter sur lui pour le lendemain, attendu que nous étions beaucoup trop aventureux pour lui, et que c’était un miracle comment nous n’avions pas été assassinés et lui avec nous, surtout portant le nom de Français, nom qui a laissé peu de tendres souvenirs en Calabre. Nous essayâmes de le décider à venir avec nous jusqu’à Cosenza, mais toutes nos instances furent inutiles ; nous le payâmes, et nous nous mîmes à la recherche d’un autre muletier.

Ce n’était pas chose facile, non pas que l’espèce manquât ; mais au Pizzo l’animal changeait de nom. Partout en Italie j’avais entendu appeler les mulets, muli, et je continuais de désigner l’objet sous ce nom : personne ne m’entendait. Je priai alors Jadin de prendre son crayon et de dessiner une mule toute caparaçonnée. Notre hôte, à qui nous nous étions adressés, suivit avec beaucoup d’intérêt ce dessin ; puis quand il fut fini :