Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/223

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dant le spectacle n’avait été jusque-là. Une seule chose nous consolait, c’était notre ressource habituelle, c’est-à-dire les châtaignes qui rôtissaient sous la cendre.

Nous rentrâmes, nous les trouvâmes servies et tout épluchées ; l’effroyable crétin, pour se raccommoder avec nous, avait voulu nous rendre ce service en notre absence.

Cette fois, nous bous mimes à rire ; nos malheurs étaient si redoublés qu’ils retombaient dans la comédie. Nous envoyâmes les châtaines rejoindre le poulet et la salade. Nous coupâmes chacun un morceau de pain, et nous nous en allâmes, de peur que quelque chose ne nous dégoûtât même du pain, le manger par les rues de Maïda.

Au bout d’une demi-heure nous repassâmes devant la maison, et nous vîmes, à travers les vitres, notre hôtesse, notre crétin et un militaire, à nous inconnu, qui, assis à notre table, soupaient avec notre souper.

Nous ne voulûmes pas déranger ce petit festin, et nous attendîmes qu’ils eussent fini pour rentrer.

Le militaire, qui était un carabinier, nous parut jouir dans la maison d’une autorité presque autocratique : cependant nous nous aperçûmes au premier abord qu’il partageait la bienveillance de notre hôtesse pour nous ; bien plus, apprenant que nous étions Français et que nous arrivions du Pizzo, il se mit à vanter avec enthousiasme la révolution de juillet et à déplorer le meurtre de Murat. Cette double explosion de sentimens politiques nous parut on ne peut plus suspecte dans un fidèle soldat de S. M. le roi Ferdinand, qui n’avait pas jusque-là manifesté de profondes sympathies pour l’une ni pour l’autre. Il était évident que notre carabinier, ne pouvant deviner dans quel but nous parcourions le pays, n’aurait pas été fâché de nous reconduire à Naples de brigade en brigade comme carbonari, et de se faire les honneurs de notre arrestation. Malheureusement pour le fidèle soldat de S. M. Ferdinand, le piège était trop grossier pour que nous nous y laissassions prendre : Jadin me chargea de lui dire en son nom en italien qu’il était un mouchard ; je le lui dis en son nom et au mien, ce qui fit beaucoup rire le carabinier, mais ce qui n’amena pas sa retraite, comme nous l’avions espéré ; alors, loin de là, il se mit à regarder nos armes avec la plus