Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/225

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point à trois nuits pareilles. Le jour nous retrouva tout grelottans et tout souffreteux ; cependant, comme nous pensâmes que le meilleur remède à notre malaise était l’air et le soleil, nous ne fîmes point attendre notre guide qui, à six heures du matin, était ponctuellement à la porte avec ses deux mules : nous réglâmes notre compte avec notre hôtesse, qui, portant sur la carte tout ce qu’on nous avait servi comme ayant été consommé par nous, nous demanda quatre piastres, que nous payâmes sans conteste, tant nous avions hâte d’être dehors de cet horrible endroit. Quant à notre cicérone, comme nous ne l’aperçûmes même pas, nous présumâmes que sa rétribution était comprise dans l’addition.

Nous nous acheminâmes vers Vena, qui est de cinq milles plus enfoncé dans la montagne que Maïda. Mais au bout de vingt minutes de marche, nous entendîmes de grands cris d’appel derrière nous, et en nous retournant nous aperçûmes notre carabinier, armé de toutes pièces, qui courait après nous au grand galop de son cheval. Au premier abord nous pensâmes que, peu flatté de notre accueil de la veille, il avait été faire quelque faux rapport au juge, et qu’il en avait reçu l’autorisation de nous mettre la main sur le collet ; mais nous fûmes agréablement détrompés lorsque nous le vîmes tirer de sa fonte une bouteille d’eau-de-vie, et de sa poche deux petits verres. Esclave de la parole qu’il nous avait donnée de boire avec nous le coup de l’étrier, et étant arrivé trop tard pour avoir ce plaisir, il avait sellé son cheval et s’était mis à notre poursuite. Comme l’intention était évidemment bonne, quoique la façon fût singulière, nous ne vîmes aucun motif de ne pas lui faire raison de sa politesse ; nous primes chacun un petit verre, lui la bouteille, et nous bûmes à la santé du roi Ferdinand, à laquelle, toujours fidèle aux principes révolutionnaires qu’il nous avait manifestés, il tint absolument à mêler celle du roi Louis-Philippe. Après quoi, sur notre refus de redoubler, il nous offrit une nouvelle poignée de main, et repartit au galop comme il était venu.

Jadin prétendit que c’était le fidèle soldat de S. M. le roi Ferdinand qui avait eu la meilleure part de nos quatre piastres ; et comme Jadin est un homme plein de sens et de pé-