Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/233

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de nous suivre, et qu’il avait fallu attendre. Enfin, après un temps qu’il me serait impossible de mesurer, nous nous arrêtâmes de nouveau ; j’entendis des cris, je vis des lumières, je sentis qu’on me soulevait de dessus ma selle ; puis j’éprouvai une vive douleur par le contact de mes pieds avec la terre. Je voulus cependant marcher, mais cela me fut impossible. Au bout de quelques pas je perdis entièrement connaissance, et je ne me réveillai que près d’un grand feu, et couvert de serviettes chaudes que m’appliquaient, avec une charité toute chrétienne, mon hôtesse et ses deux filles. Quant à Jadin, il avait mieux supporté que moi cette affreuse marche, sa veste de panne l’ayant tenu plus longtemps à l’abri que n’avait pu le faire mon manteau de drap et ma veste de toile. Quant à Milord, il était étendu sur une dalle qu’on avait chauffée avec des cendres, et paraissait absolument privé de connaissance : deux chats jouaient entre ses pattes, je le crus trépassé.

Mes premières sensations furent douloureuses ; il fallait que je revinsse sur mes pas pour vivre : j’avais moins de chemin à achever pour mourir, et puis c’eût été autant de fait.

Je regardai autour de moi, nous étions dans une espèce de chaumière, mais au moins nous étions à l’abri de l’orage et près d’un bon feu. Au dehors on entendait le tonnerre qui continuait de gronder, et le vent qui mugissait à faire trembler la maison. Quant aux éclairs je les apercevais à travers une large gerçure de la muraille produite par les secousses du tremblement de terre.

Nous étions dans le village de Rogliano, et cette malheureuse cabane eu était la meilleure auberge.

Au reste, je commençais à reprendre mes forces : j’éprouvais même une espèce de sentiment de bien-être à ce retour de la vie et de la chaleur. Cette immersion de six heures pouvait remplacer un bain, et, si j’avais eu du linge blanc et des habits secs a mettre, j’aurais presque béni l’orage et la pluie ; mais toute notre roba était imprégnée d’eau, et tout autour d’un immense brasier allumé au milieu de la chambre, et dont la fumée s’en allait par les milles ouvertures de la maison, je voyais mes chemises, mes pantalons et mes habits qui fumaient de leur côté à qui mieux mieux, mais qui, mal-