Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/248

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toire, qui, il en avait l’espérance, achèverait de désarmer Dieu. Alors, comme un feu qui a consumé tout l’aliment qu’on lui a donné, il sembla s’éteindre ; la rougeur maladive qui avait un instant enflammé ses joues disparut pour faire place à sa pâleur habituelle, une faiblesse plus grande encore que la première sembla briser ses membres, on fut forcé de le soutenir pour descendre de la chaire, et on le porta plutôt qu’on ne le conduisit sur sa stalle, où il s’évanouit.

Cette scène m’avait fait, je l’avoue, une puissante impression. Il y avait dans la conviction de cet homme quelque chose d’entraînant ; je ne sais si son éloquence était selon les règles du langage et de l’art, mais elle était certainement selon les sympathies du cœur et les faiblesses de l’humanité. Né deux mille ans plus tôt, cet homme eût été un prophète.

Je quittai l’église profondément impressionné. Quant à l’auditoire, il resta à prier longtemps encore après que la messe fut finie ; les baraques et la ville étaient désertes, la population tout entière s’était agglomérée autour de l’église.

Il en résulta qu’en revenant à l’hôtel nous eûmes grand’peine à obtenir la collation : notre cuisinier était probablement un des pécheurs les plus repentans de la capitale de la Calabre, car il ne revint de l’église qu’un des derniers, et si consterné et si abattu, que nous pensâmes faire pénitence en son lieu et place en ne déjeunant pas.

Vers les deux heures notre messager revint : il n’avait trouvé aucun speronare à San-Lucido, mais on lui avait dit que, comme depuis trois jours le vent venait de la Sicile, il ne tarderait certainement pas à apparaître : il avait en conséquence laissé la lettre à un marinier de ses amis qui connaissait le capitaine Aréna, et qui avait promis de la lui remettre aussitôt son arrivée.

La journée s’écoula, comme celle de la veille, à nous promener aux baraques, cet étrange Longchamps. Le soir venu, nous voulûmes cette fois jouir du tremblement de terre ; comme nous étions à peu près reposés par l’excellente nuit que nous avions passée, au lieu de nous coucher à dix heures nous nous rendîmes au rendez-vous général, où nous