Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/265

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l’arracha d’entre les bras de son père et de sa mère, qui s’étaient réunis pour la protéger et qui, effectivement, en s’offrant eux-mêmes aux coups, lui avaient sauvé la vie. Cette jeune fille vit encore, et aujourd’hui elle est mariée et a des enfans.

» Au centre d’un petit canton nommé la Conturella, non loin du village de Saint-Procope, s’élevait une vieille tour fermée d’un grillage en bois ; toute la partie supérieure de la tour tomba d’aplomb sur le terrain. Mais quant aux fondemens, d’abord soulevés, puis renversés sur eux-mêmes, ils furent jetés à plus de soixante pas de là. La porte s’en alla tomber à une grande distance ; et ce qu’il y a de plus remarquable, c’est que les gonds sur lesquels elle tournait, les clous qui réunissaient les poutres et les planches, furent parsemés ça et là sur le terrain comme s’ils eussent été arrachés avec de fortes tenailles. Que les physiciens expliquent s’ils peuvent ce phénomène.

» Une autre ville, nommée Seminara, fut un exemple bien frappant de l’insuffisance de toutes les précautions de l’homme contre la force des élémens qu’il croit dompter et qui le domptent. Toutes les maisons de cette ville, une des plus opulentes des deux Calabres, étaient construites en bois ; les murailles intérieures étaient faites de joncs fortement réunis et recouvertes d’une couche de mastic ou de plâtre, qui, sans rien ôter à l’élégance, donnait juste une solidité suffisante à la sûreté des habitans. Cette espèce de construction semblait donc devoir être le moyen le plus propre à les garantir des périls du tremblement de terre, parce qu’il n’opposait aux oscillations du sol que la force strictement nécessaire pour résister en cédant. Inutile calcul de l’homme contre un pouvoir incalculable ! la terre s’agita, et Seminara ne fut plus. On eût même dit que la nature se plût ici à varier ses horribles jeux : la partie montagneuse devint une vallée profonde, et le quartier le plus bas forma une haute montagne au milieu des murs de la ville.

« A la porte d’une des maisons de cette ville, était placée une meule de moulin : au centre de cette meule, le hasard avait fait croître un énorme oranger. Les maîtres de la maison avaient coutume de venir s’asseoir en été dans ce lieu