Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/275

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soir, nous nous trouvâmes à la hauteur du cap Palinure. Nous recommandâmes à Nunzio de faire meilleure garde que le pilote d’Enée, afin de ne pas tomber comme lui à la met avec son gouvernail, et nous nous endormîmes sur la foi des étoiles.

Le lendemain, nous nous éveillâmes à la hauteur du cap Licosa, et en vue des ruines de Pestum.

Il était convenu d’avance avec le capitaine que nous prendrions terre une heure ou deux près de ces magnifiques dé bris ; mais au moment de débarquer, nous éprouvâmes une double difficulté : la première en ce que l’on nous prit pour des cholériques qui apportions la peste des Grandes-Indes, la seconde en ce qu’on nous soupçonna d’être des contrebandiers chargés de cigares de Corse. Ces deux difficultés furent levées par l’inspection de nos passeports visés de Cosenza, et par l’exhibition d’une piastre frappée à Naples, et nous pûmes enfin débarquer sur le rivage où Auguste, au dire de Suétone, était débarqué deux mille ans avant nous pour visiter ces fameux temples grecs qui, de son temps déjà, passaient pour des antiquités.

Un hémistiche de Virgile a illustré Pestum, comme un vers de Properce a flétri Baïa. Il n’est point de voyageur qui, à l’aspect de cette grande plaine si chaudement exposée aux rayons du soleil ; qui, à la vue de ces beaux temples à la teinte dorée, ne réclame ces champs de roses qui fleurissaient deux fois l’année, et qui n’ouvre les lèvres pour respirer cet air si tiède qui déflorait les jeunes filles avant l’âge de leur puberté. Le voyageur est trompé dans sa double attente : le Biferique rosaria Pœsti n’est plus qu’un marais infect et fiévreux, couvert de grandes herbes, dans lequel, au lieu d’une double moisson de roses, on fait une double récolte de poires et de cerises. Quant à l’air antivirginal qu’on y respirait, il n’y a plus de jeunes filles à déflorer ; car je n’admets pas que les trois ou quatre bipèdes qui habitent la métairie attenant aux temples, aient un sexe quelconque, et appartiennent même à l’espèce humaine.

Et cependant, ce petit espace, embrassant huit ou dix milles de circonférence au plus, était autrefois le paradis des poètes, car ce n’est pas Virgile seul qui en parle ; c’est