Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/53

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Un quart d’heure après que nous fûmes entrés dans notre chambre, un frère servant vint nous demander si nous souperions avec les pères, ou si nous désirions être servis chez nous : nous répondîmes que si les pères voulaient bien nous accorder l’honneur de leur compagnie, nous en profiterions pour les remercier de leur bonne hospitalité. Le souper était pour sept heures du soir, il en était quatre, nous avions donc tout le temps d’aller nous promener par la ville.

L’île de Lipari, qui donne son nom à tout l’archipel, a six lieues de tour, et renferme dix-huit mille habitans : elle est le siège d’un évêché et la résidence d’un gouverneur.

Les événemens sont rares, comme on le comprend bien, dans la capitale des îles Éoliennes ; aussi raconte-t-on comme une chose arrivée hier le coup de main que tenta sur elle le fameux pirate Hariadan Barberousse : dans une seule descente et d’un seul coup de filet, il enleva toute la population, hommes, femmes et enfans, et emmena tout en esclavage. Charles-Quint, alors roi de Sicile, envoya une colonie d’Espagnols pour la repeupler, adjoignant à cette colonie des ingénieurs pour y bâtir une citadelle et une garnison pour la défendre. Les Lipariotes actuels sont donc les descendans de ces Espagnols, car, comme on le comprend bien, on ne vit jamais reparaître aucun de ceux que Barberousse avait enlevés.

Notre arrivée avait fait événement : à part les matelots anglais et français qui viennent y charger de la pierre ponce, il est bien rare qu’un étranger débarque à Lipari. Nous étions donc l’objet d’une curiosité générale ; hommes, femmes et enfans sortaient sur leurs portes pour nous regarder passer, et ne rentraient que lorsque nous étions loin. Nous traversâmes ainsi la ville.

À l’extrémité de la grande rue et au pied de la montagne de Campo-Bianco, se trouve une petite colline que nous gravîmes afin de jouir du panorama de la ville tout entière. Nous y étions depuis un instant, lorsque nous y fûmes accostés par un homme de trente-cinq a quarante ans qui, depuis quelques minutes, nous suivait avec l’intention évidente de nous parler ; c’était le gouverneur de la ville et de l’archipel. Ce titre pompeux m’effraya d’abord ; je voyageais sous