Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 4.djvu/143

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— Oui, oui ! dit Villefort, j’ai remarqué cela aussi. Si j’avais su ce que je sais maintenant, moi non plus je n’eusse touché à rien ; j’aurais cru qu’il voulait nous empoisonner.

— Et vous vous seriez trompé, vous le voyez bien.

— Oui, sans doute ; mais, croyez-moi, cet homme a d’autres projets. Voilà pourquoi j’ai voulu vous voir, voilà pourquoi j’ai demandé à vous parler, voilà pourquoi j’ai voulu vous prémunir contre tout le monde, mais contre lui surtout. Dites-moi, continua Villefort en fixant plus profondément encore qu’il ne l’avait fait jusque-là ses yeux sur la baronne, vous n’avez parlé de notre liaison à personne ?

— Jamais, à personne.

— Vous me comprenez, reprit affectueusement Villefort, quand je dis à personne, pardonnez-moi cette insistance, à personne au monde, n’est-ce pas ?

— Oh ! oui, oui, je comprends très bien, dit la baronne en rougissant ; jamais ! je vous le jure.

— Vous n’avez point l’habitude d’écrire le soir ce qui s’est passé dans la matinée ? vous ne faites pas de journal ?

— Non ! Hélas ! ma vie passe emportée par la frivolité ; moi-même, je l’oublie.

— Vous ne rêvez pas haut, que vous sachiez ?

— J’ai un sommeil d’enfant ; ne vous le rappelez-vous pas ?

Le pourpre monta au visage de la baronne, et la pâleur envahit celui de Villefort.

— C’est vrai, dit-il si bas qu’on l’entendit à peine.

— Eh bien ? demanda la baronne.

— Eh bien ! je comprends ce qu’il me reste à faire, reprit Villefort. Avant huit jours d’ici, je saurai ce que