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Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 4.djvu/190

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lui-même à ce qu’il disait. Le plus terrible pour lui n’était pas encore la révélation, car il pouvait nier, ou même répondre ; il s’inquiétait peu de ce Manè, Thécel, Pharès, qui apparaissait tout à coup en lettres de sang sur la muraille ; mais ce qui l’inquiétait, c’était de connaître le corps auquel appartenait la main qui les avait tracées.

Au moment où il essayait de se rassurer lui-même, et où, au lieu de cet avenir politique que, dans ses rêves d’ambition, il avait entrevu quelquefois, il se composait, dans la crainte d’éveiller cet ennemi endormi depuis si longtemps, un avenir restreint aux joies du foyer, un bruit de voiture retentit dans la cour ; puis il entendit dans son escalier la marche d’une personne âgée, puis des sanglots et des hélas ! comme les domestiques en trouvent lorsqu’ils veulent devenir intéressants par la douleur de leurs maîtres.

Il se hâta de tirer le verrou de son cabinet, et bientôt, sans être annoncée, une vieille dame entra, son châle sur le bras et son chapeau à la main. Ses cheveux blanchis découvraient un front mat comme l’ivoire jauni, et ses yeux, à l’angle desquels l’âge avait creusé des rides profondes, disparaissaient presque sous le gonflement des pleurs.

— Oh ! monsieur, dit-elle ; ah ! monsieur, quel malheur ! moi aussi j’en mourrai ! oh ! oui, bien certainement j’en mourrai !

Et, tombant sur le fauteuil le plus proche de la porte elle éclata en sanglots.

Les domestiques, debout sur le seuil, et n’osant aller plus loin, regardaient le vieux serviteur de Noirtier, qui, ayant entendu ce bruit de la chambre de son maître, était accouru aussi et se tenait derrière les autres. Villefort se leva et courut à sa belle-mère, car c’était elle-même.