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Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 4.djvu/303

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Haydée tourna les yeux vers Monte-Cristo, qui, avec un signe imperceptible, murmura :

Ειπε[1].

— Rien ne compose le fond de l’âme comme les premiers souvenirs, et, à part les deux que je viens de vous dire, tous les souvenirs de ma jeunesse sont tristes.

— Parlez, parlez, signora, dit Albert, je vous jure que je vous écoute avec un inexprimable bonheur.

Haydée sourit tristement.

— Vous voulez donc que je passe à mes autres souvenirs ? dit-elle.

— Je vous en supplie, dit Albert.

— Eh bien ! j’avais quatre ans quand, un soir, je fus réveillée par ma mère. Nous étions au palais de Janina ; elle me prit sur les coussins où je reposais, et, en ouvrant mes yeux, je vis les siens remplis de grosses larmes.

Elle m’emporta sans rien dire.

En la voyant pleurer, j’allais pleurer aussi.

— Silence ! enfant, dit-elle.

Souvent, malgré les consolations ou les menaces maternelles, capricieuse comme tous les enfants, je continuais de pleurer ; mais, cette fois, il y avait dans la voix de ma pauvre mère une telle intonation de terreur, que je me tus à l’instant même.

Elle m’emportait rapidement.

Je vis alors que nous descendions un large escalier ; devant nous, toutes les femmes de ma mère, portant des coffres, des sachets, des objets de parure, des bijoux, des bourses d’or, descendaient le même escalier ou plutôt se précipitaient.

  1. Raconte.