Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/211

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forces du corps, comme les pieuses exhortations développent celles de l’esprit. »

— J’ai dit cela ? et Gorenflot.

— Oui, révérend prieur ; et moi, frère indigne et obéissant, je me suis hâté d’accomplir vos ordres, et je me suis procuré des armes de guerre.

— Voilà qui est étrange, murmura Gorenflot, je ne me souviens de rien de tout cela.

— Vous avez même ajouté, révérend prieur, ce texte latin : Militat spiritu, militat gladio.

— Oh ! s’écria dom Modeste en ouvrant démesurément les yeux, j’ai ajouté le texte ?

— J’ai la mémoire fidèle, révérend prieur, répondit Borromée en baissant modestement ses paupières.

— Si je l’ai dit, reprit Gorenflot en secouant doucement la tête de haut en bas, c’est que j’ai eu mes raisons pour le dire, frère Borromée. En effet, cela a toujours été mon opinion, qu’il fallait exercer le corps ; et quand j’étais simple moine, j’ai combattu de la parole et de l’épée : Militat… spiritu… Très-bien, frère Borromée ; c’était une inspiration du Seigneur.

— Je vais donc achever d’exécuter vos ordres, révérend prieur, dit Borromée en se retirant avec frère Jacques, qui, tout frissonnant de joie, le tirait par le bas de sa robe.

— Allez, dit majestueusement Gorenflot.

— Ah ! seigneur prieur, reprit frère Borromée en rentrant quelques secondes après sa disparition, j’oubliais…

— Quoi ?

— Il y a au parloir un ami de Votre Seigneurie qui demande à vous parler.

— Comment se nomme-t-il ?

— Maître Robert Briquet.

— Maître Robert Briquet, reprit Gorenflot, ce n’est point un ami, frère Borromée, c’est une simple connaissance.

— Alors Votre Révérence ne le recevra point ?