Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/26

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— Oh ! oh ! se dit Robert Briquet, qui n’avait perdu ni les nuances du visage du cavalier, ni les deux appels qui avaient été faits à sa patience ; ah ! ah ! il paraît que je verrai une chose plus curieuse encore que celle à laquelle je m’attendais.

Comme il faisait cette réflexion, un son de trompe retentit, et presque aussitôt les Suisses, fendant toute cette foule avec leurs hallebardes, comme s’ils découpaient un gigantesque pâté de mauviettes, séparèrent les groupes en deux morceaux compactes qui s’allèrent aligner de chaque côté du chemin, en laissant le milieu vide.

Dans ce milieu, l’officier dont nous avons parlé, et à la garde duquel la porte paraissait confiée, passa avec son cheval, allant et revenant ; puis, après un moment d’examen qui ressemblait à un défi, il ordonna aux trompes de sonner.

Ce qui fut exécuté à l’instant même, et fit régner dans toutes les masses un silence qu’on eût cru impossible après tant d’agitation et de vacarme.

Alors le crieur, avec sa tunique fleurdelisée, portant sur sa poitrine un écusson aux armes de Paris, s’avança, un papier à la main, et lut de cette voix nasillarde toute particulière aux crieurs :

« Savoir faisons à notre bon peuple de Paris et des environs que les portes seront closes d’ici à une heure de relevée, et que nul ne pénétrera dans la ville avant cette heure, et cela par la volonté du roi et par la vigilance de M. le prévôt de Paris. »

Le crieur s’arrêta pour reprendre haleine. Aussitôt l’assistance profita de cette pause pour témoigner son étonnement et son mécontentement par une longue huée, que le crieur, il faut lui rendre cette justice, soutint sans sourciller.

L’officier fit un signe impératif avec la main, et aussitôt le silence se rétablit.

Le crieur continua sans trouble et sans hésitation, comme