Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/51

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au-dessus de ce niveau mouvant, mais déjà toisé par l’œil vigilant de Salcède, il l’analysait tout entière dans un examen d’une seconde qui suffisait comme un examen d’une heure à cette organisation surexcitée, en qui le temps, devenu si précieux, décuplait ou plutôt centuplait toutes les facultés.

Puis ce coup d’œil, cet éclair lancé sur le visage inconnu et nouveau, Salcède redevenait morne et tournait autre part son attention.

Cependant le bourreau avait commencé à s’emparer de lui, et il l’attachait par le milieu du corps au centre de l’échafaud.

Déjà même, sur un signe de maître Tanchon, lieutenant de robe courte et commandant l’exécution, deux archers, perçant la foule, étaient allés chercher les chevaux.

Dans une autre circonstance ou dans une autre intention, les archers n’eussent pu faire un pas au milieu de cette masse compacte ; mais la foule savait ce qu’allaient faire les archers, et elle se serrait et elle faisait passage, comme, sur un théâtre encombré, on fait toujours place aux acteurs chargés de rôles importants.

En ce moment, il se fit quelque bruit à la porte de la loge royale, et l’huissier, soulevant la tapisserie, prévint LL. MM. que le président Brisson et quatre conseillers, dont l’un était le rapporteur du procès, désiraient avoir l’honneur de converser un instant avec le roi au sujet de l’exécution.

— C’est à merveille, dit le roi.

Puis se retournant vers Catherine :

— Eh bien ! ma mère, continua-t-il, vous allez être satisfaite ?

Catherine fit un léger signe de tête, en témoignage d’approbation.

— Faites entrer ces messieurs, reprit le roi.

— Sire, une grâce, demanda Joyeuse.

— Parle, Joyeuse, fit le roi, et pourvu que ce ne soit pas celle du condamné…