Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/58

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du cœur de Tanchon et la fit remonter jusque dans ses yeux, où elle éclata.

Salcède ne s’y trompa point ; il comprit que le lieutenant était sincère et tiendrait ce qu’il promettait.

— Vous voyez, continua Tanchon, on vous abandonne ; plus d’autre espoir en ce monde que celui que je vous offre.

— Eh bien ! dit Salcède avec un rauque soupir, faites faire silence, je suis prêt à parler.

— C’est une confession écrite et signée que le roi exige.

— Alors déliez-moi les mains et donnez-moi une plume, je vais écrire.

— Votre confession ?

— Ma confession, soit.

Tanchon, transporté de joie, n’eut qu’un signe à faire ; le cas était prévu. Un archer tenait toutes choses prêtes : il lui passa l’écritoire, les plumes, le papier, que Tanchon déposa sur le bois même de l’échafaud.

En même temps on lâchait de trois pieds environ la corde qui tenait le poignet droit de Salcède, et on le soulevait sur l’estrade pour qu’il pût écrire.

Salcède, assis enfin, commença par respirer avec force et par faire usage de sa main pour essuyer ses lèvres et relever ses cheveux qui tombaient humides de sueur sur ses genoux.

— Allons, allons, dit Tanchon, mettez-vous à votre aise, et écrivez bien tout.

— Oh ! n’ayez pas peur, répondit Salcède en allongeant sa main vers la plume ; soyez tranquille, je n’oublierai pas ceux qui m’oublient, moi.

Et sur ce mot il hasarda un dernier coup d’œil.

Sans doute le moment était venu pour le page de se montrer, car, saisissant la main d’Ernauton :

— Monsieur, lui dit-il, par grâce, prenez-moi dans vos bras et soulevez-moi au-dessus des têtes qui m’empêchent de voir.