Aller au contenu

Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 3.djvu/258

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

rasser, les deux serviteurs, qui s’arrachaient les cheveux et se meurtrissaient le visage dans leur désespoir.

Tous deux répondirent que le prince était rentré la veille à la nuit, après avoir été dérangé fort inopportunément par M. Henri du Bouchage, venant de la part du roi.

Puis ils ajoutèrent qu’à la suite de cette audience, donnée au grand château, le prince avait commandé un souper délicat, ordonné que nul ne se présentât au pavillon sans être mandé ; enfin, enjoint positivement qu’on ne le réveillât pas au matin, ou qu’on n’entrât pas chez lui avant un appel positif.

— Il attendait quelque maîtresse, sans doute ? demanda la reine mère.

— Nous le croyons, Madame, répondirent humblement les valets, mais la discrétion nous a empêchés de nous en assurer

— En desservant, cependant, vous avez dû voir si mon fils a soupé seul ?

— Nous n’avons pas desservi encore, Madame, puisque l’ordre de Monseigneur était que nul n’entrât dans le pavillon.

— Bien, dit Catherine, personne n’a donc pénétré ici ?

— Personne, Madame.

— Retirez-vous.

Et Catherine, cette fois, demeura tout à fait seule.

Alors, laissant le prince sur son lit, comme on l’avait déposé, elle commença une minutieuse investigation de chacun des symptômes ou de chacune des traces qui surgissaient à ses yeux comme résultat de ses soupçons ou de ses craintes.

Elle avait vu le front de François chargé d’une teinte bistrée, ses yeux sanglants et cerclés de bleu, ses lèvres labourées par un sillon semblable à celui qu’imprime le soufre brûlant sur des chairs vives.