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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

les autres ; car, en me quittant, il m’annonça qu’il partait pour la campagne, et me dit adieu, sous prétexte que, selon toute probabilité, j’aurais quitté moi-même Tarente à son retour.

» Huit jours après ; quoique j’eusse complètement abandonné ce traitement fatal, je me sentis tout à coup frappé comme d’un coup de foudre, et je tombai sans connaissance au milieu de ma chambre.

» Je venais d’être atteint d’une violente attaque d’apoplexie.

» Le général Manscourt fit à l’instant même prévenir le gouverneur de l’accident qui venait de m’arriver, en réclamant le secours du chirurgien du château ; mais le gouverneur, sans daigner se déranger de son repas, répondit tranquillement que le chirurgien était à la campagne, et qu’à son retour on me l’enverrait.

» J’attendis ainsi près de quatre heures.

» Pendant ce temps, la nature, abandonnée à elle-même, avait lutté, et j’avais repris quelque connaissance. Il est vrai que c’était juste ce qu’il en fallait pour sentir que je m’en allais mourant.

» En conséquence, rassemblant le peu de forces qui me restaient, j’ordonnai à une vieille femme qui faisait nos provisions d’aller dire au gouverneur que je savais parfaitement que le chirurgien n’était pas à la campagne, et que, s’il n’était pas près de moi dans dix minutes, je le prévenais que je me traînerais jusqu’à la fenêtre et crierais à toute la ville que j’étais empoisonné ; ce qui n’étonnerait personne sans doute, mais ce qui du moins mettrait au grand jour son infamie.

» Cette menace eut son effet : cinq minutes après, ma porte s’ouvrit, et ce chirurgien, qui ne pouvait venir parce qu’il était à la campagne, entra.

» J’avais eu recours à mon Tissot, et j’avais vu que, pour le cas où je me trouvais, une abondante émission de sang était le seul remède. J’ordonnai donc impérieusement au médecin de me saigner.