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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Dans le premier régiment venu.

— À merveille ! répondit mon grand-père ; mais, comme je m’appelle le marquis de la Pailleterie, que je suis colonel, commissaire général d’artillerie, je n’entends pas que vous traîniez mon nom dans les derniers rangs de l’armée.

— Alors, vous vous opposez à mon engagement ?

— Non ; mais vous vous engagerez sous un nom de guerre.

— C’est trop juste, répondit mon père ; je m’engagerai sous le nom de Dumas.

— Soit.

Et le marquis, qui n’avait jamais, d’ailleurs, été un père très-tendre, tourna le dos à son fils, le laissant libre de faire ce qu’il voudrait.

Mon père s’engagea donc, ainsi que la chose avait été convenue, sous le nom d’Alexandre Dumas.

Il s’engagea, le 2 juin 1786, au régiment des dragons de la Reine, sixième de l’arme, sous le n° 429.

Ce fut M. le duc de Grammont, grand-père de mon ami le duc de Guiche actuel, qui reçut son engagement sous le nom d’Alexandre Dumas ; seulement, à l’appui de cet engagement fut annexé un certificat que le duc de Guiche, voici deux ans à peu près, est venu m’apporter comme un bon souvenir de M. le duc de Grammont, son père.

Il était signé de quatre notables de Saint-Germain en Laye et constatait que, quoique s’engageant sous le nom d’Alexandre Dumas, le nouvel enrôlé était bien le fils du marquis de la Pailleterie.

Quant au marquis, il mourut treize jours après l’engagement de son fils aux dragons de la Reine, comme il convenait à un vieux gentilhomme qui ne voulait pas voir la prise de la Bastille.

Voici son extrait mortuaire tel qu’il est consigné sur les registres de l’état civil de Saint-Germain en Laye.

« Le vendredi 16 juin 1786, le corps de très-haut et très-puissant seigneur messire Alexandre-Antoine Davy de la Pailleterie, écuyer, seigneur et patron de Bielleville, époux de