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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

mon antipathie pour la musique, je me décidai à prendre des leçons de violon.

Mais j’exigeai que l’on m’achetât un violon à Paris, ceux qui étaient à vendre chez les marchands de bric-à-brac de Viilers-Cotterets ne satisfaisant pas suffisamment mon amour-propre.

On en passa par où je voulais : c’était assez l’habitude de ma mère. Il fut décidé qu’Hiraux, à son prochain voyage à Paris, achèterait un violon, et qu’aussitôt son retour, mon éducation musicale commencerait.

Mais quand aurait lieu ce voyage ?

C’était bien un peu sur une remise aux calendes grecques que j’avais compté.

Pas du tout : le hasard, ou plutôt une nouvelle farce dont Hiraux fut victime, en décida autrement.

À la suite d’un dîner qu’Hiraux avait fait avec quelques amis, et entre autres avec ses deux amis intimes, Mussart et Duez, — nous consignons ici les noms pour les retrouver plus tard, — le voyage d’Hiraux à Paris fut décidé.

Seulement, il avait été décidé dans des conditions toutes drolatiques.

On dînait chez un nommé Hulin, chez lequel s’arrêtaient les diligences qui vont de Laon à Paris. On avait grisé Hiraux. Hiraux ne savait plus ce qu’il faisait ni ce qu’on lui faisait. On déshabilla Hiraux, et, avec son caleçon et sa chemise seulement, on le fourra sous l’impériale de la diligence, au milieu des malles, des portemanteaux et des cartons.

Il va sans dire qu’on ne lui laissa pas un denier sur lui. Où eût été la farce, si Hiraux avait eu de l’argent ?

Hiraux se réveilla à Paris.

Le conducteur ignorait parfaitement la plaisanterie. Il fut donc aussi étonné de trouver Hiraux là, qu’Hiraux l’était de s’y trouver lui-même.

Hiraux fut d’abord assez embarrassé de se trouver en caleçon et en chemise dans la cour des diligences ; mais, comme il était homme de ressources, il se souvint d’un neveu nommé Camusat, excellent et brave garçon qui a été et qui est encore