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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

L’évacuation des ponts, des marchés de Bellegarde, de Notre-Dame-de-Miaux et d’Apremont, fut le résultat de cette retraite. Les Français suivirent les Piémontais à une demi-journée de marche. Montmeillan ouvrit ses portes. L’esprit public, comprimé par l’occupation sarde, commença de se faire jour. De tous côtés les Français étaient accueillis en libérateurs. Les Piémontais fuyaient au milieu des acclamations qui saluaient le drapeau tricolore. Des députations de tous les villages accouraient au-devant du général Montesquieu ; sa marche était un triomphe ; des députés vinrent à sa rencontre jusqu’au château des Marches pour lui apporter les clefs de Chambéry, et, le lendemain, avec une escorte de cent chevaux, huit compagnies de grenadiers et quatre pièces de canon, il entrait dans la ville, où l’attendait un grand repas, offert par le conseil municipal à lui, à ses officiers et à ses soldats.

Dès lors la Savoie fut incorporée à la France souis le nom de département du Mont-Blanc, qu’elle conserva jusqu’en 1814.

Cette première conquête s’était faite par la seule supériorité des manœuvres du général français sur son adversaire et sans tirer un seul coup de fusil.

Pendant ce temps, le général Anselme s’emparait du comté de Nice et ajoutait à la France le département des Alpes-Maritimes, lequel fut bientôt augmenté du territoire de la principauté de Monaco.

Mais là s’arrêta l’invasion française. La guerre civile commençait de rugir à l’intérieur. Jean Chouan avait soulevé la Vendée avec ses sifflements nocturnes ; l’échafaud, en permanence sur la place de la Révolution, réclamait sa part de sang ; le général Montesquiou, proscrit par la Convention, parvint à gagner la Suisse et à y trouver un asile. Anselme, arrêté, paya de sa tête la conquête de Nice. Biron le remplaça dans son commandement et lui succéda sur l’échafaud. Enfin Kellermann, auquel mon père devait succéder, nommé général en chef à son tour, vint prendre un poste que la suspicion rendait plus dangereux que la mitraille ; mais bientôt Kellermann se trouve entre l’armée piémontaise prête à prendre l’offensive et Lyon qui se révolte. Il jette alternativement les yeux vers l’Italie et