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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

barre, comme ont fait de plus célèbres bâtards que je ne l’eusse été, et, comme eux, j’eusse si bien travaillé de corps ou d’esprit, que je fusse arrivé à donner à mon nom une valeur personnelle. Mais, que voulez-vous, messieurs ! je ne le suis pas, et il faudra bien que le public fasse comme moi, c’est-à-dire qu’il se résigne à ma légitimité.

On s’est rabattu alors sur mon père. Dans un club à Corbeil, — c’était en 1848 — un monsieur fort bien vêtu, ma foi, et qu’on m’a assuré appartenir à la magistrature, ce que je n’eusse jamais cru si cette assurance ne m’eût été donnée par des gens dignes de foi ; un monsieur qui avait lu, dans je ne sais quelle biographie, que c’était non pas moi, mais mon père, qui était bâtard, ce monsieur me dit que, si je ne signais pas mon nom de Davy de la Pailleterie, c’est que mon père ne s’était jamais appelé de ce nom, attendu qu’il n’était pas le fils du marquis de la Pailleterie.

Je commençai par appeler ce monsieur du nom dont on appelle les gens qui vous disent de ces choses-là ; mais, le nom que je lui donnai ayant paru lui être aussi indifférent que si c’était son nom de famille, j’écrivis à Villers-Cotterets afin que l’on m’envoyât un second extrait des registres de l’état civil ayant rapport à mon père, comme on m’en avait déjà envoyé un premier ayant rapport à moi.

Je demande donc au lecteur la permission de lui mettre ce second extrait sous les yeux ; s’il avait le mauvais goût de préférer notre prose à celle du secrétaire de la mairie de Villers-Cotterets, qu’il s’en prenne à ce monsieur de Corbeil[1].

Extrait des registres des actes de l’état civil de la ville de
Villers-Cotterets.

« L’an mil sept cent quatre-vingt-douze, premier de la république française, le 28 du mois de novembre, à huit heures du soir, après la publication d’un ban fait à la principale porte

  1. Il est besoin de dire que ce fait raconté par nous, et qui s’est passé en 1848, est une intercalation à ce chapitre, écrit en 1847.