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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Seulement, ils avaient repoussé l’armée d’Alvintzy, mais ils n’avaient pu la détruire comme ils avaient fait des trois autres.

Bonaparte, de son côté, recommanda à Serrurier de poursuivre le blocus de Mantoue, en serrant Wurmser comme il avait serré Caulo-d’Irles, et s’en alla reprendre son quartier d’hiver à Milan, centre de ses négociations avec tous ces petits princes d’Italie, que la peur seule faisait nos alliés.

Il y était depuis trois semaines environ, lorsque arriva au blocus un événement qui devait avoir une grande influence sur le dénoûment de cette terrible campagne.

Une nuit, — c’était la nuit du 23 au 24 décembre, qui correspondait à celle du 2 au 3 nivôse, — mon père fut réveillé par la visite de trois ou quatre soldats, lesquels lui amenaient un homme qui avait été pris par une de nos sentinelles avancées, au moment où il s’apprêtait à franchir les premières palissades de Mantoue.

Mon père était à Marmirolo.

Le colonel commandant nos avant-postes à Saint-Antoine envoyait cet homme à mon père, en le lui annonçant comme un espion vénitien qu’il croyait chargé de quelque message d’importance.

L’homme, interrogé, répondit à merveille. Il était au service de l’Autriche, faisait partie de la garnison de Mantoue, était sorti de la ville pour une affaire d’amour et s’apprêtait à y rentrer lorsqu’il avait été dénoncé à la sentinelle qui l’avait arrêté, par le bruit que faisaient ses pas sur la neige gelée.

Fouillé jusqu’aux endroits les plus secrets, on ne trouva rien sur lui.

Mais, malgré l’apparente bonhomie des réponses de cet homme, et sa tranquillité au milieu des investigations dont il était l’objet, mon père avait cru remarquer certain regards rapides, certains tressaillements dénotant l’homme dont la position n’est point parfaitement nette. D’ailleurs, le mot espion, prononcé devant lui, le rendait difficile sur les raisons données par le prisonnier, sur sa sortie et sur sa rentrée.

Enfin, quand un général en observation devant une ville de