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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/153

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

On retrouva les dix-sept autres chevrotines dans le corps de Choron.

Puis il alla seller son cheval, le fit sortir de l’écurie, et l’amena devant sa porte.

Alors, il prit ses pistolets, et en mit un dans la fonte droite.

Celui-là entra parfaitement.

Mais la fonte gauche était par hasard plus étroite ; le pistolet trouva quelque difficulté à y prendre sa place.

Choron voulut l’y faire entrer de force.

Il prit la fonte d’une main, la crosse du pistolet de l’autre, et poussa violemment le pistolet dans la fonte.

La secousse fit détendre le ressort, le coup partit.

Pour plus de commodité, Choron tenait la fonte appuyée contre lui. Toute la charge, plomb, bourre et poudre, pénétra dans son flanc gauche, lui brûlant et lui déchirant à la fois les entrailles.

Le facteur, passant dans ce moment-là, accourut à la détonation. Choron était resté debout, cramponné à la selle.

— Mon Dieu ! qu’y a-t-il donc, monsieur Choron ? demanda le facteur.

— Il y a que ce que j’avais prévu est arrivé, mon pauvre Martineau, dit Choron ; j’ai tué mon oncle d’un coup de carabine, et je viens de me tuer d’un coup de pistolet. Il est écrit quelque part dans l’Évangile que « celui qui a frappé de l’épée périra par l’épée. »

— Vous tué ! vous monsieur Choron ? s’écria le facteur. Mais vous n’avez rien.

Choron sourit, se tourna de son côté ; ses habits brûlaient, son sang coulait à flots par le bas de son pantalon, qu’il rougissait dans toute sa longueur.

— Oh ! mon Dieu ! fit le facteur en reculant, que puis-je faire pour vous ? Voulez-vous que j’aille chercher le médecin ?

— Le médecin ! que diable veux-tu qu’il y fasse ? répondit Choron.

Puis, d’une voix sombre :

— Est-ce que le médecin a empêché de mourir mon pauvre oncle Berthelin ? dit-il.