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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/165

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

à loisir sur cet événement ; puis, tout à coup, le bruit se répandit que l’assassin venait d’être arrêté.

C’était un berger, au service de M. Picot.

En effet, du bout de la rue de Largny, vers laquelle tout le monde se précipitait, on vit arriver un homme en blouse, les poucettes aux mains, et marchant entre deux gendarmes à cheval et tenant leur sabre nu.

Le type était celui d’un paysan picard de la plus basse classe, vulgaire et rusé.

On le conduisit à la prison, dont la porte se referma sur lui.

Mais, toute refermée qu’elle était, la porte n’en continua pas moins d’être assiégée par la foule. C’était un trop grave événement que celui qui venait d’arriver pour que toute la ville ne demeurât point sur pied.

Le juge de paix commença l’instruction ; dans son premier interrogatoire, l’accusé nia tout.

Cependant des preuves terribles s’élevaient contre lui. Les bergers, on le sait, couchent dans une cabane en bois, près du parc de leurs moutons.

La cabane de l’accusé, pendant le jour où avait eu lieu l’assassinat, et pendant la nuit qui avait suivi celle où le cadavre avait été retrouvé ; cette cabane était restée stationnaire à deux cents pas tout au plus de la grande route.

Puis, sur la paille qui, recouverte d’un mauvais matelas, en faisait le fond, on avait reconnu des traces de sang.

En outre, le maillet avec lequel l’accusé enfonçait les piquets de son parc était imprégné de sang à un de ses angles.

Le maillet paraissait être l’instrument à l’aide duquel la plaie mortelle avait été faite.

Malgré toutes ces preuves, comme nous l’avons dit, Marot — c’était le nom de l’accusé — avait nié formellement.

Le juge de paix et le greffier sortirent donc sans avoir rien pu obtenir de lui.

Mais, vers onze heures du soir, il se ravisa, appela le geôlier, nommé Sylvestre, qui, en même temps, était suisse à l’église, et le pria d’aller chercher le juge de paix, en le prévenant qu’il avait des aveux à faire.