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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/167

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

À ce geste de défense personnelle, le cheval de Picot, ayant fait un tête à la queue, avait rué des deux pieds de derrière, et, de l’un de ses deux pieds, avait atteint le jeune homme dans la poitrine.

Le jeune homme était tombé sans connaissance.

Alors, meurtrier involontaire, Picot s’était décidé à devenir assassin : d’un accident qu’il voulait cacher, il avait fait un crime.

Regardant autour de lui, il avait vu à terre le maillet avec lequel Marot venait d’enfoncer les piquets de son parc, et, d’un coup violemment assené derrière la tête, avait achevé le malheureux voyageur, qui n’était qu’évanoui.

La mort avait été presque instantanée.

Puis, — remarquez bien que ce n’est pas moi qui parle, mais que c’est l’accusateur, — Picot avait fait toute sorte de promesses au berger pour que celui-ci l’aidât à cacher son crime.

Le berger avait eu la faiblesse de se laisser toucher par les supplications de son maître : il avait consenti à recéler le cadavre dans sa cabane.

De là les vestiges sanglants qui avaient taché la paille et le matelas.

Le soir arrivé, Picot devait revenir à la cabane ; alors on prendrait le cadavre, et, profitant de l’obscurité, on le transporterait dans le moulin à vent dont Picot avait la clef.

Les deux complices entrés, la porte se serait refermée sur eux et sur le cadavre ; ou aurait creusé une fosse, et l’on y aurait enterré le malheureux voyageur.

Nais, comme ils traversaient la route, le bruit d’un cheval, arrivant au galop, les avait effrayés ; ils avaient laissé glisser le cadavre de leurs mains, et avaient tiré chacun de son côté.

Dix minutes après, ils étaient revenus ; mais alors c’étaient le voiturier et sa voiture qui avaient apparu au haut de la montagne de Vauciennes, et les avaient forcés d’abandonner de nouveau leur sombre besogne.

Cette fois, le voiturier avait relevé le cadavre et l’avait rapporté, comme on a vu, à Villers-Cotterets. Toute espérance de