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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/200

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

donnât, et que même elle en était tout inquiète, ne sachant pas ce qu’il était devenu. »

Quoique le détail ne fût pas tout à fait à mon honneur, il était d’une effrayante exactitude. J’avais eu, trois jours, ce bracelet en ma possession ; pendant ces trois jours, je l’avais sinon montré, du moins laissé voir à plusieurs personnes, et, entre autres, à ma mère et à mes cousines Deviolaine, près desquelles je tenais à me poser comme un homme à bonnes fortunes ; puis, enfin, touché de l’inquiétude de Laure, qui croyait l’avoir perdu, je le lui avais rendu, en avouant humblement ma faute, qui me fut pardonnée, sans doute en considération de la joie qu’on éprouvait de retrouver ce bijou, mais qui ne l’eût pas été avec la même facilité si l’on eût connu mes indiscrétions.

Aussi, la sueur qui, au commencement du récit, avait perlé sur mon front, coulait-elle à grosses gouttes sur mon visage.

Cependant, je voulais savoir jusqu’à quel point M. Mennesson était instruit de mes aventures amoureuses, et j’eus le courage de rester, ou plutôt je n’eus pas la force de m’enfuir.

M. Mennesson reprit :

« À cette vue, la mère de Samud leva les mains et les yeux au ciel ; et, comme la pauvre femme ne sait rien refuser à son fils, elle lui dit avec un soupir :

» — Eh bien, soit, puisqu’une paire de bottes peut te rendre heureux, va commander des bottes.

» L’écolier ne fit qu’un bond de chez lui chez Laudereau ; il arrêta le prix à trois douros et demi, et quatre mois furent accordés pour le payement.

» Puis on visita l’armoire aux habits ; on en tira un pantalon d’uniforme bleu clair, à bandes d’or ; on vendit à un orfèvre la bande d’or, qui rapporta un douro et demi, lequel douro et demi fut donné à l’écolier comme argent de poche, sa mère jugeant que ses naissantes amours l’entraîneraient naturellement à quelques dépenses extraordinaires.

Quant à l’habit, on arrêta que ce serait celui de la pre-