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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/259

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sort d’Astyanax, prisonnier des Grecs, m’a toujours paru le sort le plus malheureux de l’histoire.

« Napoléon. »

Cette lettre était adressée à Joseph.

Ce trésor dont parlait Napoléon était, bien entendu, son trésor particulier.

Le 28 mars, le départ de l’impératrice fut mis en délibération. MM. de Talleyrand, Boulay (de la Meurthe), le duc de Cadore et M. de Fermon, étaient d’avis que l’impératrice restât. Joseph, la lettre de l’empereur à la main, insista pour le départ. Ce départ fut résolu pour le lendemain à neuf heures du matin.

Plus tard, on fit un reproche à M. de Talleyrand d’avoir insisté pour que Marie-Louise restât à Paris. Un pâle et froid sourire dessina ce rictus qui servait de bouche au diplomate.

— Je savais que l’impératrice se défiait de moi, et que, si je conseillais le départ, elle resterait. J’ai été pour qu’elle restât, afin qu’elle partît.

Ô monseigneur l’évêque d’Autun ! c’est Harel qui vous a fait, dans le Nain jaune, ce fameux mot : « La parole a été donnée à l’homme pour déguiser sa pensée. » Mais, monseigneur, que vous étiez bien digne de le faire vous-même !

Le 29 mars au matin, à travers les fenêtres ouvertes des Tuileries, on pouvait voir, aux douteuses lueurs du jour naissant, aux lueurs plus douteuses encore des lampes et des bougies mourantes, les femmes de l’impératrice courant pâles de fatigue et de crainte, après une nuit tout entière passée dans les préparatifs du voyage.

Le départ, nous l’avons dit, était fixé à neuf heures.

À dix heures, l’impératrice n’avait pas encore quitté ses appartements. Elle espérait toujours qu’un contre-ordre arriverait, soit de l’empereur, soit de Joseph.

À dix heures et demie, le roi de Rome, tout en larmes, se cramponnait aux rideaux de ce palais des Tuileries, que lui aussi, pauvre enfant, ne voulait pas quitter.

Hélas ! à dix-sept ans de distance l’un de l’autre, trois en-