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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/49

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Non, je n’avais pas la conscience nette, et il s’en fallait même du tout au tout. Aussi restai-je debout à la fenêtre, à moitié caché par le rideau, explorant la place en tout sens pour voir si quelque garde, quelque gendarme, ou même Tournemolle, à qui j’avais déjà eu affaire à propos de mon pistolet, ne débouchait point par quelque rue, et ne s’acheminait point vers la maison.

Ce fut bien pis qu’un garde, bien pis qu’un gendarme, bien pis que Tournemolle qui déboucha sur la place du Château.

Ce fut M. Deviolaine en personne.

J’eus un instant l’espérance qu’il ne venait pas à la maison ; nous logions porte à porte avec un vieux garde chez lequel il allait quelquefois.

Mais bientôt il n’y eut plus de doute : on eût dit qu’un mathématicien avait tracé une diagonale de la rue du Château au seuil de notre maison, et que M. Deviolaine avait fait le pari de suivre cette diagonale sans s’en écarter d’une ligne.

Je n’avais plus d’autre salut que la fuite.

En cinq secondes, mon plan fut fait.

Je descendis rapidement l’escalier. À travers deux portes vitrées, de la dernière marche de l’escalier, on pouvait voir dans la boutique. Au moment où M. Deviolaine ouvrait la porte de la boutique, je m’élançai par une porte de communication chez Lafarge, et, de chez Lafarge, dans une allée qui conduisait à la rue. Je gagnai le pavé du roi. Je me glissai le long des maisons ; j’atteignis la place de l’Abreuvoir par une ruelle, et, de la place de l’Abreuvoir, je rentrai chez Montagnon par cette fameuse porte de derrière, que je n’avais considérée jusque-là que comme sortie, et que, deux fois dans la même journée, je venais d’utiliser comme entrée.

De la boutique de Montagnon, je voyais chez nous, autant qu’on peut voir d’un côté d’une rue à l’autre.

Il me semblait qu’il se faisait un grand mouvement, et que l’on cherchait quelqu’un ; je n’eus plus de doute, lorsque je vis ma mère paraître derrière les carreaux du premier étage, ouvrir la fenêtre et regarder dans la rue.

Il était évident que, non-seulement on cherchait quelqu’un,