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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/62

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

dant une étrange coïncidence avec le débarquement de Napoléon et sa marche sur Paris.

On va voir de quelle façon, tout enfant que j’étais, je fus mêlé à cette grande affaire, où il allait de la vie et de la mort.


XXXV


Le général Exelmans. — Son procès. — Les deux frères Lallemand. — Leur conspiration. — Ils sont arrêtés et traversent Villers-Cotterets. — Quel affront ils y subissent.

Qu’on nous permette de remonter un peu plus haut. Notre habitude du drame nous fait toujours, et en tout point, préférer les expositions bien claires et bien lucides.

On sait dans quel système de réaction était entré le gouvernement de Louis XVIII, et quelles persécutions éprouvèrent, pendant la première restauration, les hommes qui avaient servi sous l’usurpateur, comme on l’appelait.

L’indiscrétion de quelques chefs du parti désigné sous le nom d’ultra-royaliste avait révélé les desseins de la monarchie ; un de ces desseins, disait-on, était de se défaire des bonapartistes, comme on s’était défait des protestants, sous Charles IX.

Plus le bruit était absurde, plus facilement on y crut : on tenait les Bourbons pour capables des projets les plus insensés. Aussi y eut-il, je ne dirai pas grand effroi parmi ceux qui étaient menacés, — les vieux compagnons de l’empereur ne s’effrayaient pas facilement, — mais grande rumeur. Les uns sortaient de Paris, espérant éveiller moins de haine en s’éloignant de cet éternel foyer d’intrigues ; les autres se réunirent, s’armèrent et résolurent de vendre chèrement leur vie. Le gouvernement alors s’inquiéta de ces réunions, voulut les dissoudre, et, pour arriver à ce but, il interdit à tous officiers généraux de séjourner à Paris sans autorisation ; ordonnant à ceux qui n’étaient pas nés dans la capitale de retourner à l’instant dans leurs foyers.