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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/65

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

conspiration et de la seconder. Le major Lyom refuse ; Lefèvre-Desnouettes s’aperçoit qu’il n’y a rien à faire de ce côté, qu’il risque sa vie en s’entêtant. Il troque alors son uniforme contre un habit de paysan, et se dirige à travers terres vers Châlons, où commande le général Rigaut, qu’il sait être partisan fanatique de Napoléon.

De leur côté, les deux frères Lallemand, dont un était général d’artillerie, s’étaient portés sur la Fère avec les deux autres escadrons des chasseurs royaux. Leur intention était de s’emparer de l’arsenal et du parc d’artillerie. Ils essayèrent de séduire les canonniers d’abord, puis, ensuite, d’entraîner à leur cause le général d’Aboville, commandant l’école d’artillerie ; mais, des deux côtés, ils échouèrent : soldats et général tinrent bon. Le général d’Aboville, secondé par le major du 2e régiment d’artillerie Pion, fit prendre les armes à la garnison, plaça une partie des troupes à l’arsenal et aux portes de la ville, fit charger les armes, et mettre les canons en batterie. C’était une tentative manquée, comme celle de Lefèvre-Desnouettes. Les deux frères se retirèrent, suivis d’un petit nombre de canonniers qui s’étaient réunis à eux, mais qui se dispersèrent devant la poursuite ordonnée, de sorte que les deux frères Lallemand se trouvèrent contraints de fuir, sans savoir, comme Lefèvre-Desnouettes, où aller, et se perdirent dans un pays qu’ils ne connaissaient pas.

Cela se passait à treize lieues seulement de Villers-Cotterets.

La tentative avait eu lieu le 10 mars.

Le 12, la gendarmerie de Villers-Cotterets reçut des ordres pour se mettre en campagne ; les fugitifs, disait-on, avaient été vus du côté de la Ferté-Milon.

Nous vîmes passer les gendarmes, et nous connûmes le but de leur expédition par un de mes camarades, nommé Stanislas Leloir, qui était le fils d’un ancien brigadier, tué aux environs de Villers-Cotterets pendant la campagne de 1814.

Toutes ces nouvelles — soit qu’elles vinssent de Paris, soit qu’elles arrivassent de Compiègne ou de la Fère — mettaient, comme on le comprend bien, notre petite bicoque