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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/149

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Hein ! je ne puis pas entrer, après avoir payé mon billet deux fois ?

— Deux fois ?

— Oui, deux fois.

— Où cela ?

— Une fois à la queue, et une fois au bureau.

— Farceur ! me dit le contrôleur.

— Vous dites ?

— Je dis que vous ne pouvez entrer, voilà ce que je dis.

— Mais, moi, je veux entrer cependant.

— Alors, prenez un billet au bureau.

— Ce sera le deuxième.

— Eh ! qu’est-ce que cela me fait, à moi ?

— Comment ! ce que cela vous fait ?

— Si vous avez vendu votre billet à la porte, cela ne me regarde pas.

— Eh ! dites donc, me prenez-vous pour un marchand de contre-marques ?

— Je vous prends pour un tapageur que l’on vient de reconduire parce que vous faisiez du tapage, et, si vous continuez d’en faire, ce n’est point dans la rue que l’on vous conduira, cette fois, c’est à la salle de police.

La menace était très-nettement accentuée. Je commençais à comprendre que, sans m’en douter, je m’étais mis en contravention avec la loi — ou avec la coutume, ce qui est bien pis que de se mettre en contravention avec la loi.

— Ah ! ah ! fis-je.

— C’est comme cela, me dit le contrôleur.

— Alors, c’est bien, vous êtes le plus fort.

Et je sortis.

Une fois à la porte, je trouvai qu’il était stupide d’être venu pour voir le spectacle, d’avoir, dans ce but, acheté une place à la queue et une place au bureau, pour avoir vu un rideau représentant une tenture de velours vert, voilà tout, et de m’en aller sans voir autre chose.

J’ajoutai que, puisque j’avais fait déjà la dépense de deux places, je pouvais bien faire la dépense d’une troisième, et,