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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/18

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

La récompense de leur dévouement ne devait pas se faire attendre. La révolution faite, on adoptait les bases de la constitution de l’an III. Cinq directeurs étaient nommés, et ces cinq directeurs étaient la Fayette, Jacques Kœchlin, de Corcelles père, Voyer-d’Argenson et Dupont (de l’Eure).

Le carbonarisme avait son côté militaire ; il était même plutôt militaire que civil. On comptait fort sur l’armée dans tous les mouvements que l’on voulait tenter, et l’on avait raison. L’armée, abandonnée par le roi, maltraitée par les princes, sacrifiée à des corps privilégiés, l’armée était aux trois quarts acquise à l’opposition. Des ventes avaient été créées dans la plupart des régiments, et tout était si bien prévu, que les changements de garnison eux-mêmes n’étaient que des moyens de propagande. En quittant la ville où il venait de passer trois mois, six mois, un an, le président de la vente militaire recevait la moitié d’une pièce d’argent, dont l’autre moitié était envoyée, d’avance, dans la ville où se rendait le régiment, à un membre de la haute vente ou d’une vente centrale. Les deux moitiés de pièce se rajustaient, et les conspirateurs étaient en communication.

Les soldats, de cette façon, étaient devenus de simples commis voyageurs, chargés de répandre la révolution par toute la France.

Aussi, voyez, toutes les conspirations qui éclatent sont moitié militaires, moitié civiles.

Vers le milieu de 1821, tout est disposé pour un soulèvement à Bordeaux comme à Béfort, à Neuf-Brisach comme à la Rochelle, à Nantes comme à Grenoble, à Colmar comme à Toulouse.

La France est couverte d’un immense réseau d’affiliés, et la révolution circule, inaperçue mais vivante, au milieu de la société, de l’est au couchant, du nord au midi.

De Paris, c’est-à-dire de la vente supérieure, partent tous les ordres qui vont animer et entretenir la propagande, comme, aux pulsations du cœur, part du cœur le sang qui vivifie toute la machine humaine.

Tout était prêt. On avait reçu l’avis que, grâce à l’influence