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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/205

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Monsieur Deviolaine, dit-il, M. de Broval demande si le rapport sur l’aménagement de la forêt de Villers-Cotterets est terminé ?

— Non, pas encore… dans un quart d’heure. Puis, se tournant vers moi :

— Vois-tu !… vois-tu !

— Je me sauve, monsieur Deviolaine.

Et je me retirai en effet, tandis que M. Deviolaine, en grognant toujours comme d’habitude, retombait le nez sur son rapport.

Je rentrai dans notre cabinet commun, et j’allai me mettre à mon bureau.

Mon bureau était adossé à celui de Lassagne, de sorte que nous n’étions séparés l’un de l’autre que par la largeur de nos tables, et par le petit casier de bois noir dans lequel on met d’habitude le travail courant.

Ernest était sorti, je ne sais pourquoi. Je demandai à Lassagne des indications sur le travail que j’avais à faire.

Lassagne se leva, vint s’appuyer à mon bureau, et me les donna.

J’avais grand intérêt à étudier les gens qui m’entouraient, et surtout l’homme que sa position bureaucratique faisait mon supérieur immédiat ; car, pour Ernest, c’était plutôt, quoiqu’il fût commis d’ordre, et que je fusse destiné à être simple expéditionnaire, c’était plutôt un camarade qu’un supérieur.

Lassagne, je crois l’avoir déjà dit, était, alors, un homme de vingt-huit à trente ans, d’une figure charmante, encadrée dans de beaux cheveux noirs, animée par des yeux noirs pleins de vivacité et d’esprit, éclairée, si l’on peut dire cela, par des dents d’une blancheur et d’une régularité que lui eussent enviées les femmes les plus coquettes.

La seule irrégularité de son visage était son nez aquilin, un peu plus incliné d’un côté que de l’autre ; mais cette irrégularité donnait même à sa physionomie un cachet original qu’elle n’eût pas eu sans cela.

Ajoutez à cet ensemble une de ces voix sympathiques qui