Aller au contenu

Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/22

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
19
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Sur ce, les deux conjurés se quittent. L’un, M. Kœchlin, court, comme il l’a dit, à Massevaux, petit village hors de route, à sept lieues à peu près de Béfort, et à égale distance de Colmar ; l’autre, Joubert, court jusqu’à Lure, petite ville située sur la route de Paris, à une vingtaine de lieues de Béfort.

Là, il arrête une calèche dans laquelle il reconnaît deux figures amies : ce sont celles de deux frères, de deux grands artistes, de deux vrais patriotes, Henri et Ary Scheffer ; avec eux est M. de Corcelles fils.

En deux mots, Joubert les met au courant de ce qui se passe. Ary Scheffer, ami intime du général la Fayette, rebroussera chemin, et ira le chercher à son château de la Grange.

Les autres reviendront à Béfort avec Joubert, et annonceront que le mouvement est retardé.

En effet, les journées du 29 et du 30 se passent à attendre inutilement.

Dans la nuit du 29 au 30, le général Dermoncourt s’impatiente. À dix heures du matin, il envoie à Mulhouse un sous-chef d’atelier de M. Kœchlin, nommé Rusconi, ancien officier de l’armée d’Italie, et qui a suivi l’empereur à l’île d’Elbe : on saura sans doute quelque chose par M. Kœchlin.

Rusconi part à dix heures du matin ; fait, par une pluie battante, neuf fortes lieues de pays, et arrive à dix heures du soir chez M. Kœhlin, qu’il trouve en grande soirée avec dix de ses amis. Il le prend à part, et s’informe auprès de lui où en est la conspiration.

M. d’Argenson ne veut pas bouger ; on n’a pas encore de nouvelles de la Fayette ; on croit que c’est Manuel qui l’a retenu. En attendant, que le général Dermoncourt se tienne tranquille on lui fera dire à quelle heure il doit se déclarer.

— Mais, demande le messager, pour qui se déclarera-t-il ?

— Ah ! voilà l’embarras ! répond M : Kœchlin ; les uns veulent Napoléon II, ce sont les généraux ; les autres veulent Louis-Philippe, c’est Manuel ; le général la Fayette, enfin, veut la République… Mais renversons d’abord les Bourbons, et tout se débrouillera ensuite.

Rusconi repart aussitôt, loue un char à bancs, marche toute