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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/296

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

demoiselle Duchesnois, de mademoiselle Mézeray, de mademoiselle Mars.

Quant aux auteurs de l’époque, c’étaient : Legouvé, Lemercier, Arnault, Alexandre Duval, Picard, Chénier et Ducis.

De ces sept hommes, j’en ai connu quatre : Arnault, dont j’ai essayé de tracer le portrait ; Lemercier et Alexandre Duval, dont j’essayerai, le moment venu, de traduire les bilieuses ressemblances ; puis Picard, que l’on disait l’ami de la jeunesse, et qui exécrait les jeunes gens.

Legouvé, Chénier et Ducis étaient morts quand j’arrivai à Paris.

Legouvé avait une grande influence au Théâtre-Français. C’était lui qui, au moment où mademoiselle Georges s’apprêtait à y paraître, venait, avec une affection presque paternelle, d’y guider les débuts de mademoiselle Duchesnois ; il y avait donné, en 1793, la Mort d’Abel, tragédie patriarcale qui dut son succès, d’abord au talent de l’auteur, mais, ensuite et surtout, à son opposition avec les événements qui s’accomplissaient. Jouée entre l’échafaud de Louis XVI et celui de Marie-Antoinette, entre les massacres de septembre et le supplice des girondins, elle détourna un instant les esprits de la vue du sang qui ruisselait par les rues. Quand, toute la journée, on a vu pendre à des réverbères, et porter des têtes au bout des piques, on n’est pas fâché de passer la soirée avec des bergers et des bergères. Néron se couronnait de roses et chantait des vers sur le mode ionien, après avoir vu brûler Rome.

En 1794, Legouvé avait fait représenter Épicharis. Un très-beau monologue qu’il n’aurait certes pas eu l’idée de concevoir, mais qu’il emprunta à une page de Mercier, lui fournit son dernier acte.

Ce dernier acte fit le succès de la pièce. J’ai entendu dire ce monologue à Talma d’une façon magistrale.

Enfin, Legouvé avait, en 1799, fait représenter Étéocle. — Ètèocle était tombé, ou à peu près ; ce que voyant, au lieu de donner au Théâtre-Français une nouvelle tragédie, Legouvé lui avait donné une nouvelle tragédienne.