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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/201

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Une fois déjà, il lui avait échappé par un prodige d’audace et d’à-propos.

Poursuivi, traqué, enfermé de tous côtés, Fra Diavolo, avec deux-cent cinquante ou trois cents hommes, débris de sa troupe, espérait pouvoir se sauver par un défilé qu’il croyait connu de lui seul.

Il avait donc dirigé sa marche vers ce défilé, lorsque, à son grand étonnement, il trouva ce dernier passage gardé comme les autres.

Sa suprême espérance s’évanouissait !

Il n’y avait pas moyen de retourner en arrière : on avait tâté de toutes les gorges, partout un mur de baïonnettes barrait le chemin.

— Allons, dit Fra Diavolo, nous n’avons plus qu’un moyen… Peut-être s’y laisseront-ils prendre ! Liez-moi les pieds et les mains, et attachez-moi-sur un cheval… Vous-m’avez-fait prisonnier ; vous me conduisez au colonel français chargé de vous payer les vingt mille ducats, prix de ma tête… Pour le reste, laissez faire mon lieutenant, et dites comme lui.

Il fallait se hâter : on était en vue du détachement français, qui s’inquiétait de ce que pouvait être cette troupe d’hommes ; d’ailleurs, on avait l’habitude, surtout dans les circonstances extrêmes, de suivre aveuglément les instructions de Fra Diavolo. En une seconde, il fut garrotté et lié, comme Mazeppa, sur un cheval, et le cortège continua son chemin, piquant droit au détachement français.

Ce détachement se composait de cinq ou six cents hommes, et était commandé par un chef de bataillon.

En voyant cette troupe qui marchait à lui, le bataillon français marcha au-devant d’elle.

Les deux corps se joignirent.

Arrivée à une centaine de pas des Français, la troupe calabraise fit halte. Le lieutenant seul, vêtu en simple paysan, sortit des rangs, et s’avança vers le chef de bataillon.

— Que voulez-vous ? demanda celui-ci, et quel est cet homme garrotté ?

— Cet homme garrotté, dit le lieutenant, c’est Fra Diavolo,