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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/241

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

La citadelle de Thionville fut une des dernières sur lesquelles flotta le drapeau tricolore.

Enfin, il fallut rendre la place, non pas à l’ennemi, mais aux Bourbons.

Le général Hugo ne voulut pas même rester à Paris. Trop de choses lui brisaient le cœur, à lui, vieux soldat, dans cette capitale où les femmes avaient été au-devant des Cosaques avec des fleurs, où la population avait crié : « Vivent les alliés ! » où l’on avait traîné dans le ruisseau la statue de l’empereur.

Il acheta le château de Saint-Lazare, à Blois, et s’y retira.

Il n’y avait plus moyen de garder le beau couvent des Feuillantines. Madame Hugo, restée à Paris pour veiller sur ses enfants, prit un modeste logement, et mit Eugène et Victor dans la pension de l’abbé Cordier, rue Sainte-Marguerite. 

Abel, officier et émancipé, resta libre.

Eugène et Victor étaient destinés à l’École polytechnique.

Nous avons dit, au reste, que le couvent des Feuillantines avait tenu parole, et fait de Victor un poëte.

Assistons au premier début de l’enfant.

Combien je remercierais aujourd’hui le contemporain qui me donnerait, sur Dante, sur Shakspeare out sur Corneille, les détails que vingt ans d’amitié avec lui me permettent de consigner ici sur Victor Hugo !

On était en pleine Restauration. L’Académie avait donné pour sujet de son prix annuel, couronné le 25 août, jour de la Saint-Louis : Le bonheur que procure l’étude dans toutes les situations de la vie.

ans en rien dire à personne, Victor avait concouru.

Selon la loi du concours, il avait mis son nom dans un papier cacheté joint à sa pièce de vers ; seulement, à son nom, il avait ajouté son âge, quatorze ans et demi.

D’ailleurs, cet âge, il le disait dans le courant même de sa pièce de vers :

Moi qui, toujours fuyant les cités et les cours,
De trois lustres à peine ai vu finir le cours.