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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/243

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Casimir Delavigne, qui, lui, s’était véritablement moqué de l’Académie en prenant le contre-pied de la question, eut une mention honorable à part en dehors du concours.

Victor jouait aux barres pendant qu’on l’applaudissait à l’Académie. Les premières nouvelles qu’il eut de son succès lui furent données par Abel et Malitourne, qui entrèrent tout courants, et qui lui sautèrent au cou en lui racontant ce qui venait de se passer, et comment il aurait, selon toute probabilité, obtenu le prix, si l’Académie eût voulu admettre qu’un poête de quatorze ans fit de pareils vers.

La supposition, non pas qu’il eût voulu se moquer de l’Académie, mais qu’il eût pu mentir, blessa fort l’enfant, lequel s’enquit de son extrait de naissance, se le procura et l’envoya à l’Académie.

Vide pedes ! vide latus !

Il fallait bien croire.

Alors, l’indignation de la respectable grand’-mère se changea en admiration.

M. Raynouard répondit au poëte lauréat une vraie lettre de secrétaire perpétuel.

Il y avait même une belle et bonne faute d’orthographe dans la lettre de M. le secrétaire perpétuel : il répondait à Victor Hugo qu’il fairait avec plaisir sa connaissance.

D’eux-mêmes, et sans y être poussés, deux autres membres de l’Académie répondaient en même temps au jeune poëte.

C’étaient François de Neufchâteau et Campenon.

Tendre ami des neuf Sœurs, mes bras vous sont ouverts,
Venez, j’aime toujours les vers,


répondait François de Neufchâteau.

L’esprit et le bon goût nous ont rassasiés ;
J’ai rencontré des cœurs de glace
Pour des vers pleins de charme et de verve et de grâce
Que Malfilâtre eût enviés !

répondait Campenon.