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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/270

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Charles-Dix, souriant, répondit : « Ô poëte ! »

Le soir, tout rayonnant de lumière et de fête ;
Regorgeant de soldats, de princes, de valets,
Saint-Cloud, joyeux et vert, autour du fier palais
Dont la Seine, en fuyant, reflète les beaux marbres,
Semblait avec amour presser sa touffe d’arbres ;
L’Arc de triomphe, orné de victoires d’airain ;
Le Louvre, étincelant, fleurdelisé, serein,
Lui répondaient de loin du milieu de la ville ;
Tout ce royal ensemble avait un air tranquille,
Et, dans le calme aspect d’un repos solennel,
Je ne sais quoi de grand qui semblait éternel !

. . . . . . . . . . . . . . .

Le lendemain de cette entrevue et de ce refus, — car Charles X refusa de laisser jouer Marion Delorme, — la pension de Victor Hugo, qui était de deux mille quatre cents francs, fut portée à six mille livres, à titre de dédommagement.

Tout le monde sait que le poëte, de son côté, refusa, nous ne dirons pas dédaigneusement, mais dignement, cette augmentation de pension.

On a fait beaucoup de bruit, depuis, autour de ce refus. Tels puritains touchent aujourd’hui un traitement de sénateur qui ont reproché au poëte d’avoir, après l’interdiction de Marion Delorme par Charles X, gardé sa pension primitive de deux mille quatre cents francs.

Dieu fasse miséricorde à ceux-là ! ils sont aujourd’hui dans les antichambres de l’Élysée, et le premier poëte de France et, par conséquent, du monde, est à Guernesey !

Je demande pardon à Lamartine de faire d’Hugo le premier poëte de France et du monde : Hugo est exilé ; Lamartine est trop généreux pour ne point lui céder le pas. Si Lamartine eût été exilé comme Hugo, — et je regrette pour sa gloire qu’il ne le soit pas ! — j’eusse dit : « Les deux premiers poëtes de France ; les deux premiers poëts du monde ! »