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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/45

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

par deux candélabres, et avait un verre d’eau sucrée près de lui.

C’était un beau vieillard qui pouvait avoir, à cette époque, soixante-six ou soixante-huit ans. Il avait de magnifiques cheveux blancs coquettement roulés sur les tempes, des yeux pleins d’un feu tout méridional, et, malgré son grand corps, un peu courbé en avant par l’habitude du bureau, quelque chose de distingué et d’élégant dans le geste et dans les manières.

Je m’étais modestement arrêté près de la porte ; pour deux raisons :

La première, c’est que j’étais encore trop inconnu pour me croire le droit de déranger qui que ce fut au monde, même l’orateur ;

La seconde, parce que, ayant à retourner à mon bureau à neuf heures et demie, il m’était, pour sortir incognito comme j’étais entré, plus commode d’être près de la porte que partout ailleurs.

Delanoue, plus familier que moi avec les auditeurs, m’avait quitté pour aller coqueter avec eux, pendant les courts intervalles où la séance était suspendue afin de donner le temps à M. Villenave de reprendre haleine.

L’heure de mon courrier arrivée, je m’esquivais tout doucement pour aller le recevoir à mon bureau, lorsque Delanoue, accourant à moi, me rejoignit sous le péristyle.

Il était chargé par la famille Villenave de m’inviter à venir, après la séance, prendre une tasse de thé avec elle et chez elle.

Le bien qu’avait dit de moi mon ami Delanoue me valait cet honneur.

Restait à savoir où demeurait la famille Villenave.

— Rue de Vaugirard, 82.

Ouf ! c’était un peu loin, pour moi qui demeurais rue du faubourg Saint-Denis, 53.

Heureusement que, pendant mes cinq ans de séjour, je m’étais familiarisé avec les rues de Paris, et que je ne me croyais plus obligé, comme lors de mon premier voyage, de